Projet de loi relatif à la confiance dans l’institution judiciaire : De réelles avancées teintées par des dispositions adoptées sous le coup de l’émotion

A Paris, le 26 mai 2021 – Se tenait hier soir, en première lecture à l’Assemblée nationale, le vote solennel sur le projet de loi relatif à la confiance dans l’institution judiciaire. La confiance des citoyens dans la Justice est un enjeu démocratique. La volonté du Garde des Sceaux d’y répondre, avec des mesures concrètes, est plus que louable. Il paraît donc indispensable de ne pas y faire obstacle. Toutefois, au regard des conditions dans lesquelles les débats se sont tenus et de l’adoption de certaines mesures sous le coup de l’émotion, j’ai décidé de m’abstenir.

Le Projet de loi relatif à la confiance dans l’institution judiciaire porte bien son nom. De nombreuses avancées qui permettent une meilleure compréhension des décisions de justice et qui en renforcent l’efficacité sont présentes dans ce texte. Elles doivent être saluées.

Poursuivant un objectif de pédagogie, le texte vise à rendre accessible à tous et toutes le fonctionnement de la justice en offrant la possibilité de filmer, de manière encadrée, les auditions et les actes d’instruction. L’ouverture du débat contradictoire dès l’enquête préliminaire renforce les droits de la défense, pour les victimes, comme pour les mis en cause. A ce jour la généralisation des cours criminelles de proximité représente également une avancée concernant l’accélération de la réponse pénale sur la répression de certains crimes et des délits, notamment pour les personnes victimes de viols, tout en maintenant le jury populaire pour les crimes les plus graves. Il est toutefois regrettable que celle-ci se fasse sans attendre l’étude d’impact de cette expérimentation. Les droits des citoyens se trouvent également confortés grâce au renforcement du secret professionnel et de celui du justiciable. Enfin, l’ouverture de l’accès aux lieux de privation de liberté pour les représentants de la profession d’avocat répond à une véritable exigence démocratique.

Je reste toutefois opposée à la suppression des crédits automatiques de réduction de peine, car l’inversion du système à moyens constants dans l’administration judiciaire déjà surchargée, risque d’augmenter la population carcérale de façon mécanique.

Je regrette profondément que certaines mesures aient été adoptées sous le coup de l’émotion ou de la pression. L’efficacité de la suppression des rappels à la loi et de l’augmentation des peines de sûreté reste largement incertaine. Un vote, contingent à la manifestation des forces de l’ordre intervenue en début de semaine ainsi qu’aux intérêts des campagnes électorales en cours, n’est pas un vote apaisé, apte à apporter des solutions satisfaisantes. Je réitère l’affirmation selon laquelle il convient d’abord de renforcer les moyens des services de police et de la justice, afin d’appliquer pleinement le droit pénal existant, avant de renforcer l’attirail judiciaire. Ces dispositions viennent teinter un texte, qui, dans son ensemble, pouvait remplir les objectifs poursuivis.