Programme nucléaire : les choix d’aujourd’hui sont les coûts de demain  

A Paris, le 10 février 2022 – Le Président de la République est présent aujourd’hui à Belfort pour annoncer la relance d’un programme nucléaire français d’envergure. Ces annonces tombées du ciel semblent déconnectées de la réalité des enjeux sur notre parc nucléaire actuel dont il faut assurer la sûreté à un coût déjà exorbitant et sous-évalué.

Qu’il s’agisse de 6, 8 ou 12 nouveaux EPR, là n’est pas la question. Le seul exemple de l’EPR de Flamanville devrait suffire à faire émerger dans le débat public une question cruciale : à quel prix continuons-nous à nous engager dans le nucléaire ? Le budget initial de l’EPR de Flamanville, en 2006, était de 3,5 milliards d’euros. Quand EDF l’estime à 12,7 milliards d’euros, la Cour des Comptes évalue quant à elle son coût total à 19 milliards d’euros, avec plus d’une décennie de retard dans sa mise en service et sans aucun retour d’expérience sur la mise en service de l’EPR chinois, qui connaît des difficultés, dont certaines pourraient s’avérer structurelles.

Qui dit nouveaux EPR, dit également nouvelle production de déchets nucléaires à traiter. D’un point de vue financier, l’enjeu est identique. Pour le seul projet CIGEO, l’évaluation de son coût peut varier du simple au triple, pour quelques 30 milliards d’euros. Encore une fois, toutes les questions de sûreté ne sont pas réglées concernant l’enfouissement géologique profond. Au-delà du coût, la question du volume de déchets à traiter semble toujours la grande interrogation. Les parlementaires membres de l’OPECST, en charge de l’évaluation du Plan National de Gestion des Matières et des Déchets Radioactifs (PNGMDR), se sont vus entravés dans leur mission de contrôle. Un quinquennat se sera écoulé sans que ce plan n’ait été remis à la représentation nationale. Aucune vision, stratégie ou actualisation du volume de déchets ne leur a été transmis. C’est normalement une obligation légale pour le Gouvernement

Transparence financière, sûreté, contrôle du Parlement, débat public : ces exigences en matière nucléaire sont la condition sine qua non d’une démocratie. En octobre la députée Emilie Cariou, membre de la commission des finances et en charge de sujets nucléaires au sein de l’OPECST, déposait une proposition de loi pour y répondre. Cette première pierre à l’édifice a été reprise par les sénateurs et sénatrices du groupe Ecologistes, Solidarité et Territoires. Le texte, largement enrichi grâce au travail de coordination entre les deux chambres, a été présenté hier.

Pour Emilie Cariou : « Le nucléaire a un coût et c’est un coût très élevé. Avant de relancer un programme nucléaire d’envergure, assurons-nous que le nôtre fonctionne de manière sûre et avec des moyens suffisants. Du point de vue de la transparence et du contrôle démocratique sur la stratégie nucléaire civile, ce quinquennat est un quinquennat de recul. Certes, le Président de la République annonce une révision de la Programmation Pluriannuelle de l’Energie en 2023, devant la représentation nationale. Mais les parlementaires de cette législature n’ont pas pu effectuer leur mission de contrôle de l’action du Gouvernement en matière de nucléaire civil. Sans création de délégation parlementaire au nucléaire civil, sans l’accès à des documents d’actualisation des coûts du cycle complet, je doute également que le futur Parlement puisse remplir cette mission à son tour ».